Face à l’essor des arrêts maladie obtenus frauduleusement, le député Antoine Vermorel-Marques veut autoriser la transmission d’informations confidentielles aux employeurs. Une proposition de loi a été déposée en ce sens à l’Assemblée nationale. Objectif : permettre aux entreprises de disposer de preuves tangibles pour sanctionner un salarié reconnu comme fraudeur. Le texte vise les plateformes en ligne qui fournissent, contre paiement, des certificats médicaux sans consultation réelle. Cette dérive numérique complexifie la lutte contre les arrêts abusifs, tout en fragilisant le modèle solidaire de l’assurance maladie. En s’attaquant à la confidentialité médicale dans ce cadre précis, la mesure fait émerger une tension inédite entre droit du travail et droit à la vie privée. Nous faisons un point complet sur le licenciement pour fraude à l’arrêt maladie.
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Un projet pour contourner les limites du secret médical
Actuellement, même en cas de fraude avérée, les employeurs ne peuvent accéder à aucune information médicale ou administrative permettant d’étayer une procédure disciplinaire.
La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), tenue au secret professionnel, conserve l’exclusivité des éléments probants.
La proposition de loi envisage de modifier ce cadre en instaurant une exception ciblée : la communication aux employeurs des preuves de fraude dès lors que celle-ci a été formellement constatée.
Les documents susceptibles d’être transmis incluraient :
- l’identité de l’assuré concerné
- les conclusions des contrôles médicaux
- les justificatifs établissant l’usage abusif du dispositif
Cette transmission serait encadrée par des conditions strictes de confidentialité et limitée aux seules entreprises directement impactées par la fraude.
A partir de juin 2025, vous pourrez perdre votre indemnité d’arrêt maladie s’il n’est pas conforme aux nouvelles règles : un formulaire renforcé sera indispensable.
Un levier disciplinaire renforcé pour les employeurs
L’ouverture d’un accès à ces informations pourrait transformer la réponse de l’employeur face à la fraude.
Aujourd’hui, l’absence de preuve exploitable empêche le déclenchement d’un licenciement pour faute, même en cas de suspicion sérieuse.
Avec ce nouveau cadre, les directions d’entreprise disposeraient de bases juridiques solides pour engager des procédures internes.
Le député Vermorel-Marques justifie sa démarche en soulignant la prolifération de sites comme ArrêtMaladie24.com, qui offrent des certificats pour quelques dizaines d’euros, sans aucun contact avec un professionnel de santé.
Ces pratiques alimentent une zone grise que le législateur entend dissiper.
Une explosion des fraudes constatée par les caisses
La Sécurité sociale alerte sur une dérive préoccupante. En un an, le montant des fraudes liées aux indemnités journalières a connu une progression vertigineuse :
Année | Montant estimé des fraudes aux IJ | Évolution annuelle |
---|---|---|
2023 | 17 millions d’euros | — |
2024 | 42 millions d’euros | +147 % |
Cette inflation alimente les appels à un renforcement du contrôle, y compris par des mesures qui touchent à des principes aussi sensibles que la confidentialité médicale.
Des interrogations sur les limites juridiques d’une telle réforme
En dépit de son ambition de restaurer l’équilibre entre devoirs et droits au travail, la proposition soulève des enjeux majeurs.
Lever, même partiellement, le secret médical constitue un précédent juridique, en tension avec le Code de la santé publique et les normes européennes sur la vie privée.
Plusieurs juristes mettent en garde contre un risque de déséquilibre dans la relation de travail, où le salarié pourrait voir ses données sensibles instrumentalisées à des fins disciplinaires.